Kampot et Kep
1er janvier
7h00. Même si nous n’avons pas fait la java la nuit précédente, le réveil est difficile. Cependant, nous sommes ravis car ce matin nous embarquons pour Kampot. Petite ville tranquille traversée par une rivière au Sud du Cambodge, Kampot est surtout réputée pour son poivre. De nombreux bâtiments coloniaux datant de l’occupation française et encore en très bon état lui confèrent tout son caractère. Le mini-bus nous dépose au village, et première arnaque de tuk-tuk qui nous facture la course au prix fort pour faire… 500m.
Une fois n’est pas coutume, nous découvrons les alentours par nous-mêmes, en scooter… A quelques kilomètres de là, nous quittons les routes goudronnées pour des sentiers de terre, couleur ôcre, en parfaite harmonie avec le vert des palmiers qui bordent la route. Enfants sur des vélos (parfois) trop grands, vaches qui montent la garde devant les maisons, petits vieux intrigués par notre présence: une chose est sure, nous ne passons pas incognitos. Les gosses courent vers nous à vive allure en nous lançant des “hello” à tue-tête. J’ai l’impression d’être la reine Mathilde lors d’une sortie royale. Sentiment étrange. Je me sens presque comme une rockstar mais non légitime. En tous cas, le moins que l’on puisse dire est que ces cris viennent du coeur et rechauffent tout de même le mien. Une bouffée d’innocence et d’espoir. (note à moi-même: on devrait toujours garder cet état d’esprit, cette envie de découvrir l’autre, comme un gosse, sans arrière pensée). Mais je m’égare…
Ici, c’est le Cambodge rural, complètement différent de ce qu’on a vu à Phnom Penh, et cela me plait davantage.
On se perd un peu pour rejoindre le “secret lake” qui est tout sauf secret et on s’y arrête pour siroter un succulent jus de canne à sucre bien frais à côté d’ados écoutant la musique à fond et nous faisant fuir presque aussitôt. Nous rebroussons chemin, secoués dans tous les sens sur ce sentier chaotique et mangeons dans une gargotte locale un plat qui ne nous emballa qu’à moitié.
2 janvier
Petit déj’ de rois dans un café-assoc’ où travaillent sourds et muets. Ici, on passe commande par écrit et on est patient mais ça vaut le coup! Laurent se souvient encore de leur carrot cake et moi de leur smoothie mango, un dé-li-ce. Rassasiés, nous nous mettons en route pour visiter une plantation de poivre, une parmi tant d’autres mais celle-ci est organique et tenue par un couple franco-cambodgien. Pour la petite histoire, le poivre de Kampot est le premier produit agricole cambodgien à avoir obtenu une indication géographique protégée en 2010 et certains grands chefs le considèrent comme le meilleur poivre au monde !
On apprendra qu’il existe en fait 4 sortes de poivres: le vert (le plus jeune, pas encore arrivé à maturité), le noir (comme le vert mais séché au soleil), le rouge (récolté à maturité et séché au soleil) et le blanc (même processus que le rouge mais sans la peau). Toutes ces baies sont issues de la même plante. Et une dégustation de poivre vert à 10h du matin, ça c’est fait! Une véritable explosion de saveurs. On aimerait en ramener mais ne se conservant pas très longtemps, on oublie vite l’idée et poursuivons notre route vers Kep.
Kep est une petite station balnéaire créée par les Français en 1908 sous le nom de Kep-Sur-Mer, elle accueillait autrefois l’élite de la société coloniale française jusque dans les années 1960. On l’appelait même le Saint-Tropez de l’Asie du Sud Est puis la ville fut détruite par les khmers rouges et beaucoup de villas coloniales furent abandonnées. Il en reste quelques-unes qui ressemblent plus à des squats qu’autre chose, et certaines sont habitées par les Cambodgiens, reprenant possession finalement de ce qu’on leur avait d’une certaine manière dérobé. En s’approchant d’une “villa”, nous avons rencontré une jeune femme et c’est la tête haute qu’elle nous a raconté les épreuves qu’elle avait traversées mais elle était là, dur comme un rock et tellement optimiste. Une belle leçon de vie et de résilience à la cambodgienne. Respect.
Kep est également et surtout réputée pour son crabe. Mamma mia, il en pleut ici! Un petit tour du célèbre marché aux crabes nous mettra rapidement en appétit mais par facilité (ben oui, décortiquer du crabe est une lourde tâche les amis), nous optons pour la poêlée de poulpe sauce poivre vert (de Kampot, évidemment!), une petite tuerie!!! A 4$ le kilo, on en recommande même une deuxième portion. C’est drôle parce qu’en fait, le pouple/crabe s’achète chez une petite dame qui le vend au détail, puis pour le cuisiner, il faut l’amener à un type qui, lui, le prépare à sa sauce et pour le déguster sur une table (qui appartient à un xième intermédiaire) il faut lui acheter une bière. Bref, un peu casse-tête chinois mais ce sera notre meilleur repas au Cambodge, et de loin!
La vendeuse de poulpe et sa balance verte
Retour en scooter jusque Kampot, balade dans les villages environnants et le long de la rivière où les Cambodgiens jouent au badminton avec leurs pieds… et on termine par l’apéro sur un bar-bateau. Elle est pas belle la vie?
3 janvier
Dernière journée à Kampot et sortie photo dans la campagne au programme. Il fait très chaud et nous croisons pas mal d’hommes et de femmes qui travaillent dans les rizières et dans les marais salants, à la main, sans machine. Nous admirons leur courage et leur force et réalisons la chance que nous avons de ne pas devoir travailler à la sueur de notre front en Belgique. Cela parait évident mais c’est en quittant son confort et sa réalité qu’on ouvre les yeux, même si au fond de soi, on en est conscient. Ici, tout le monde met la main à la pâte: adultes, vieillards, enfants, avec pour but commun de cultiver pour manger ou vendre. On ne croisera pas un blanc, on est pourtant toujours à Kampot, on a juste traversé la rivière. Accross the river is another world. Il ne faut pas toujours aller bien loin pour quitter les sentiers battus.
“What’s your name? Where are you from?” nous crient les gosses, sourires aux lèvres, fiers de répéter ce qu’ils ont appris à l’école.
On continue notre chemin en direction d’une grotte quelques kilomètres plus loin (kilomètres qui nous semblèrent interminables étant donné l’état de la route). C’est une ado qui nous fera la visite dans un anglais impeccable! Elle parlait même un peu le français et nous lança un “c’est parti mon kiki”! Elle et sa copine se faufilaient partout à une vitesse folle et sans elles, nous n’aurions été nulle part. Le site n’est vraiment pas adapté aux touristes et l’opération était tout de même périlleuse, surtout que nous n’avions pas prévu le coup, en flip-flop sur la roche qui glisse et sans protection… vaut mieux que je le raconte après l’avoir fait! (hein papa?) Elles nous quitteront rapidement pour leur cours d’anglais programmé à 17h avec comme professeur: un moine.
Vue du haut de la grotte
A la sortie, le jour est presque tombé, les vaches rentrent au bercail, mamy arrose ses salades, les enfants s’amusent avec un serpent qu’ils ont trouvé (vivant) et le tuent à coup de bâton…normal… ils s’approchent de moi pour me faire une blague, le serpent au bout du baton, et voilà mon premier sprint du séjour! Non mais!
C’est donc Laurent qui a pris cette photo 😉
On enfourche le scoot pour rentrer à la guesthouse puis des locaux nous saluent et nous font signe de nous arrêter, ils veulent partager une bière avec nous. Ils sont complètement allumés, bien éméchés, s’égosillent en chantant face à un micro qui craquotte, c’est l’ambiance! “Happy Happy” nous lancent-ils. On se dit que ce doit être un jour spécial. On ne se comprend absolument pas mais on trinque, on répète les mots qu’ils nous disent, ils sont morts de rire et nous aussi! Une 2e bibine, ils s’enflamment, veulent qu’on danse autour d’une table avec eux, deviennent un peu collants, insistants. On s’éclipse gentiment histoire de ne froisser personne. Ça restera un moment très drôle à mes yeux, même si c’est frustrant de ne pas se comprendre et puis malgré moi, la peur de l’autre qui prend le dessus. Je suis en mini short, ils sont six hommes autour de moi à me dévisager et à vouloir danser, et même si Laurent est là, seul contre un groupe, que pourrait-il faire? Soudain, je ne contrôle plus mon esprit et je pense même « et s’ils voulaient nous voler »? Après tout, on a parfois un an de salaire autour du cou avec nos appareils photo et dans un bled perdu, avec des mecs bourrés, à la tombée de la nuit… Bref, je dramatise évidemment mais je réalise que j’en suis réduite (malgré moi) à cet « instinct de survie, de protection » et non comme je le pensais à mon ouverture d’esprit. C’est comme ça et je dois l’accepter. Tout n’est pas toujours comme on voudrait que ce soit. J’en reviens à ce que je disais plus haut avec les enfants, purs et innocents. Les mauvaises pensées, j’ai l’impression qu’on se les créée en devenant adulte. Je dois en être une, aujourd’hui (d’adulte). Je pensais y avoir échappé encore un peu…
***
Après ces paroles philosophiques, un bon petit amok (pour changer) dans un resto super agréable, accompagné d’une musique cambodgienne des années 70’ qu’on a bien apprécié. Dernière soirée à Kampot, demain nous partons pour l’île de Koh Rong Samloen!
En boucle…
11 Replies to “Kampot et Kep”
Je pense que c’est un instinct que l’on a tous et que forcément on ne peut s’empêcher d’avoir.
Encore un joli texte et de magnifiques photos! D’ailleurs c’est quoi votre appareil photo?
Merci Margaux! Mon appareil c’est un fujifilm x20 et c’est avec celui-là que je prends toutes les photos que je poste 🙂
Encore un très joli article! Les photos sont splendides! 🙂 bisouuuuus
Merci ma chérie!
Et voilà que moi aussi je sors du bois…
Vos textes, vos images, sont magnifiques. Votre voyage est magnifique!
Je suis certaine que vous en ferez un voyage initiatique qui vous conduira vers une meilleure connaissance des autres mais aussi de vous-mêmes. Un voyage qui vous conduira vers plus de sens, de force, de beauté et de sagesse.
Nous pensons très fort à vous . Et puisque nous sommes à Charleroi : gros bisous m’chou (nos choux ?…ceux-là on s’en occupe ! …)
Merci beaucoup pour ce gentil petit mot! J’espère aussi que ce voyage sera enrichissant pour tous les deux mais je n’en doute pas. C’est une belle aventure que nous avons entreprise et je suis certaine qu’elle nous apportera beaucoup. Nous pensons fort à vous aussi et même si vous n’êtes pas la pro de l’informatique, vous maitrisez parfaitement les mots. Gros bisous, Marie
Et voilà, patatras…il fallait encore que je me fasse remarquer par ma haute maestria de l’informatique.
Moi, c’est pas Laurent. C’est juste rosafrancois48
Me recordó un poco a un viaje que hice a Turquía. Sobre todo los niños gritando « de donde eres »??? Creo que para ellos significa casi viajar. El simple hecho de saber de qué país eres o de donde vienes es como transportarlos de viaje a tierras lejanas….y siempre la sonrisa y el signo de la Victoria…sabrán lo que significa? Ahora que se un poco más de la historia de la pimienta, me pregunto porqué siempre estoy comprando pimientas « exóticas »…una vez compré pimienta con sabor a jalapeño (chile (ají) tipicamente mexicano) …la mejor pimienta viene de Kampot….una nueva lección aprendida. Gracias queridos!!
jeudi 22 février : on pense à vous et on voyage avec vous … en différé, mais ça a son charme
et maintenant sus aux kangourous
C’est parti mon kiki… C’est excellent pcq aux Philippines c’est aussi une des seules phrases en français qu’ils connaissaient et étaient super fiers de la balancer à n’importe quel moment 😊
Hâte de lire la suite de vos aventures. gros bisous
On l’a entendue au Vietnam aussi par la suite, terrible 🙂 Et « en voiture, Simone » aussi!